La fête du Triomphe est l'une des plus anciennes des Saint-cyriens.
Sous le Premier Empire, c'est une manifestation joyeuse et spontanée qui s'organise chaque fois qu'au tir au mortier un tireur habile abat le tonneau-cible.
En 1821, sous la Restauration, la fête est officialisée au cours des écoles à feu d'artillerie sur le Polygone. Dès qu'une cible a été abattue, le pointeur se place à cheval sur le tonneau placé sur une civière et, la tête couronnée de feuilles de peuplier à défaut de lauriers, il est enlevé sur les épaules des servants de sa pièce pour être porté en triomphe. Aussitôt les tambours de l'École précèdent le cortège pour annoncer la nouvelle. Toute activité cesse immédiatement et les élèves se massent dans la cour pour faire une haie d'honneur et acclamer le triomphateur.
L'origine officielle du Triomphe se situe le 27 juillet 1834. Ce jour-là, l'élève LAFITTE, pointeur au mortier, abat le tonneau qui sert de cible. En visite officielle à l'École, le Duc d'Orléans, après avoir récompensé l'élève en lui offrant une paire de pistolets, se tourne vers ses officiers en disant : "Allons, Colonel, le triomphe du tonneau !". Le vainqueur, placé à cheval sur le tonneau, est aussitôt porté en triomphe.
Vers 1880, le Triomphe devient la fête officielle de fin d'année. À partir de 1896, les civils extérieurs à l'École ("les fumistes") y sont admis et la soirée se termine par un bal donné dans les salles de jeu, transformées et décorées pour la circonstance.
Depuis cette date, le cérémonial n'a guère évolué, en dépit de quelques modifications de détail. Le Triomphe est resté, jusqu'en 1939, une fête costumée, suivie du baptême de la jeune promotion, à l'issue duquel un bal est donné.
Ces "triomphes", longtemps occasionnels, deviennent traditionnels sous Louis-Philippe, en même temps que s'établit l'usage d'honorer la promotion sortante en célébrant des faits d'armes ou en retraçant la vie de héros.
Aujourd'hui, le Triomphe est devenu la fête de fin d'année des Écoles de Coëtquidan. Préparée longtemps à l'avance, celle-ci prend pour thème un souvenir historique et donne lieu à une sorte d'immense kermesse et à d'amusantes exhibitions, réalisées par les élèves des différentes écoles (ESM, EMIA, EMCTA, EOR, ...). L'instant le plus émouvant et le plus solennel est celui du baptême, nocturne, du Deuxième Bataillon. Le "Père Système" du Premier Bataillon, après avoir vertement semoncé du haut de son cheval les "Bazars" agenouillés devant lui et traditionnellement coupables de cosaquerie et de nullité "fangeuse", les relève enfin de leur indignité : "Debout, les Officiers !". Après avoir entonné "La Galette" et le "Pékin de bahut", la cérémonie s'achève sur les hourras des Officiers du Premier Bataillon de France, au son et à la lumière d'un feu d'artifice qui symbolise les "adieux" officiels de la Promo aux Écoles.
L'Aurore resplendissante se lève enfin sur ce jour tant attendu qui voit notre Promotion quitter l'École et s'éparpiller aux quatre coins de France.
Qui pourrait empêcher qu'à la joie de pouvoir enfin voler de nos propres ailes, se mêle une émotion teintée de tristesse à l'idée de ne plus pouvoir, demain, continuer à vivre et à agir ensemble ?
Je ne puis m'empêcher, aujourd'hui, de penser à ces quelques mots de Teilhard de Chardin : "L'homme isolé ne pense plus et ne progresse plus".
Pendant trois longues années, l'amitié et la camaraderie qui nous ont unis ont permis que progressent notre idéal de Saint-cyriens et notre vocation d'Officiers. Durant tout ce temps, notre fraternité a constitué le plus sûr ferment d'affermissement et de rayonnement de notre qualité d'hommes au service de la grandeur de notre Pays. Plus encore, notre vie commune nous a appris les difficultés et la force de l'amour et des obligations qu'il entraîne : le respect de l'autre, le désintéressement, le don de soi et surtout la joie rayonnante et active.
Il nous faut maintenant nous séparer, riches de notre amitié et forts de cette fraternité. Qu'elles demeurent en nous et continuent de constituer un des fondements essentiels de notre vocation.
Je vous souhaite bon vent, Messieurs les Officiers de la MONCLAR !
Sous-Lieutenant LECOINTRE